
Interroger le monde
Quand, plus jeune, le dessin et la peinture étaient pour moi des moyens de m'approprier le monde, de le faire mien, ils sont devenus, plus tard, des moyens d'expression et de compréhension. Ceux-là mêmes qui m'ont permis d'exprimer mon ressenti devant ce que je vois, ce que je sais, en cherchant les moyens plastiques les plus appropriés possibles — formes, couleurs, coups de pinceau, matière...
Dans les années soixante j'ai été influencé par des amis artistes peintres et par des expositions que j'ai eu l'occasion de voir (Poliakoff, Soulages, Rothko...). Je me suis alors lancé dans l'abstraction, ou plutôt la non-figuration. Celle-ci, du fait de l'absence de sujet, fait appel à l'introspection ; il s'agit de créer un espace visuel doté d'une tension interne susceptible de transmettre une émotion. C'est la lumière, le plein et le vide, le rythme des formes...
Cette expérience a été fructueuse pour la suite de mon travail de peintre. Je me suis vite aperçu que bien que non-figuratives, certaines de mes peintures suggéraient aux "regardeurs" des bribes de réalisme. Chacun ayant sa vision en fonction de ses intérêts formels ou émotionnels du moment.
J'ai alors introduit des éléments figuratifs dans des toiles non-figuratives, comme des signes, intégrés à la composition au même titre que la forme ou la couleur.
Dans les années soixante-quinze, avec Hasan Kaptan, un ami peintre, j'ai animé des ateliers de peinture destinés à des handicapés mentaux adultes dans le cadre de divers C.A.T. (Centre d'Aide par le Travail). La confrontation avec l'expression picturale forte des handicapés m'a beaucoup stimulé.
Plus ou moins réaliste, la figuration a pris, petit à petit, une place de plus en plus importante dans mon travail, tout en évitant, autant que possible, grâce à mon expérience du non-figuratif, le risque du narratif.